Pierre
Lucas, ex maître d’hôtel du commandant Lescarret :
« 1°
Le Champlain chargé de troupes britanniques, cela est absolument
faux.
2°
Les matelots préposés à la garde des engins portuaires ont
parfaitement raison : nous n’avions à bord que du matériel
de guerre, entre autres 3000 tonnes de cuivre en saumons, des avions
en caisses arrimées sur le pont supérieur.
3°
Nos passagers venant de New-York avaient été débarqués à
Saint-Nazaire, mais par contre, nous avions embarqué tout le
personnel technique des ateliers de la Compagnie Générale
Transatlantique du Havre, réfugié à Saint-Nazaire (cadres et
ouvriers avec toute leurs familles). En conséquence, il est exact
qu’il y en avait plusieurs centaines qui se débattaient dans
l’eau.
4°
Il y a eu douze victimes dans le personnel civil et un seul rescapé
dans personnel militaire (A.M.B.C.) ; il me serait difficile de
vous expliquer dans tous ses détails toutes les anecdotes qui se
rattachent à ce naufrage. Cependant, je me ferai un plaisir de vous
les transmettre si vous le désirez »
Marcel
Cauvin, de Saint-Georges-Haute-Ville (Loire), équipage :
« Embarqué
sur ce navire à l’époque, je peux préciser qu’il ne
transportait pas de troupes anglaises.
Nous
avions sur le sun-deck, plusieurs avions de transport en caisses, les
moteurs sur le pont-promenade.
Ce
matériel avait été embarqué à New-York le voyage précédent,
mais nous n’avions pu les débarquer à Saint-Nazaire d’où nous
venions. Nous avions pris dans ce port, environ 180 personnes,
personnel de la Transat, évacuées du Havre par les remorqueurs de
la Compagnie.
Il
n’y avait à bord que ces passagers, un personnel civil réduit et
l’équipage pont et machines certainement au complet.
Nous
sommes restés deux jours au mouillage, et la dernière nuit, des
avions vinrent larguer des mines dans la rade, où beaucoup d’autres
navires attendaient également. Le matin, vers 9 heures, une mine
explosa à bâbord-arrière, tuant plusieurs hommes et en blessant
d’autres.
Le
navire s’enfonça aussitôt et l’arrière se couchant rapidement
sur bâbord au point que les canots ne purent amener normalement.
Certains dérochèrent; d’autres chavirèrent avant d’arriver à
l’eau, précipitant les gens dans le mazout, les ballasts étant
crevés. Beaucoup furent intoxiqués.
Les
remorqueurs du port vinrent immédiatement aider aider au sauvetage
et transporter les rescapés.
Les
plus atteints furent hospitalisés ; les réfugiés confiés aux
autorités.
Le
reste de l’équipage récupéra des camions que les Anglais
abandonnaient sur les quais avant d’embarquer sur leurs navires,
donc certains sautèrent également.
Avec
ces camions, nous rejoignîmes Bordeaux deux jours après .
Je
me souviens d’un fait qui explique peut-être notre attente fatale
en rade de La Pallice. Après avoir pris à bord, à Saint-Nazaire,
le personnel Transat réfugié au Havre, nous avons embarqué des
vivres et du linge en supplément et il me fut confié que nous
allions embarquer des passagers que nous serions surpris de voir à
bord. Et dans la soirée nous appareillâmes pour nous retrouver le
lendemain matin au mouillage, entre l’île de ré et La Pallice.
La
suite des événements et l’odyssée du Massiliam’ont toujours
fait penser logiquement que nous devions attendre les membres du
gouvernement et les parlementaires qui durent utiliser ce dernier
navire faute du nôtre, éliminé [Ndlr : fait
avéré, à destination d’Alger]. Ce
n’est pas une supposition gratuite et je ne vois pas d’autre
raisons avoir attendu,car il n’était pas question de débarquer le
matériel en métropole, à l’allure que prenaient les événements.
Julien
L. Donat, passager, Lyon (Rhône):
« J’étais
passager du Champlain revenant d’Amérique. Le Havre étant déjà
pris par les Allemands, nous avons été dirigés sur Saint-Nazaire
où nous sommes arrivés à la nuit, mitraillés du reste par des
avions allemands et n’avons été débarqués à Saint-Nazaire que
vers 8/9 heures du matin et dirigés sur Nantes par voie ferrée.
Le
Champlain a du repartir dans la matinée, direction La Rochelle où
il a – avons-nous appris - été coulé dans l’après-midi [Ndlr
: erreur, au matin, vers 9 heures 10]
En
débarquant, je n’ai vu aucune troupe Anglaise prête à être
embarquée ; je ne sais, du reste, comment on aurait pu les
embarquer , les ponts étant encombrés par du matériel de guerre
(d’aviation je crois). J’étais à bord, du reste, avec le
commandant de la Garandière, commandant du Normandie, qui rejoignait
comme moi la France ».